Nous avons le plaisir de vous faire revivre la promenade historique et littéraire consacrée à la Grande Guerre à Toul, en textes, en images et en musique.
Le Claveau remercie chaleureusement Josette Codron et Philippe Masson pour la mise à disposition de leurs textes et notes respectifs. Les oeuvres littéraires ont été lues pendant les deux visites estivales par Jean-Pierre Ziegler et Vincent Rouyer.
Parvis de la cathédrale.
Plaque commémorative de Jeanne d'Arc
La mobilisation, le 1er août 1914 est une surprise dans les campagnes françaises. Un sentiment divergent est perceptible entre l’« enthousiasme », voire l’exaltation dans les grandes villes et la dignité, la résolution dans les campagnes.
Par contre, la déclaration de
guerre entraîne des manifestations patriotiques. La croyance en une guerre
courte et victorieuse a certes existé mais ce sentiment était loin
d’être partagé par tous.
En 1855, lors des fêtes
d’Orléans, dans le discours de Mgr Dupanloup, Jeanne d’Arc est pour la première
fois considérée comme une sainte au sens canonique. Elle commence à représenter
l’Eglise et la France, incarnant un esprit de force et de résistance. Jeanne
d’Arc est béatifiée en 1909. Durant la guerre, la figure de la combattante est
mise en avant dans le discours politique notamment.
A partir de la canonisation de
1920, elle est associée aux victimes de la Grande Guerre dans un contexte de
renouveau de la Foi. A Toul, en 1930, une plaque est érigée sur le parvis de la
cathédrale.
Pierre Mac Orlan « Les poissons morts », 1917
Eté 1914, Pierre Mac Orlan est en vacances en Bretagne.
J’habitais une maisonnette située dans l’intérieur des
terres, près de Ker-Goez. Un de mes amis, architecte à l’école des Beaux-arts
possédait une chambre dans cette maison.
Un matin, il reçut une lettre de sa mère ; il nous la
montra pour lever nos doutes ; Cette belle Française écrivait :
« Mon enfant, il est temps de rentrer. Tu trouveras ton uniforme sur le
lit… »
Nous résolûmes de partir le lendemain.
Le soir à l’hôtel Bacon, devant la jetée, nous trinquâmes
ensemble, car nous étions tous mobilisables et chacun de nous possédait assez
d’imagination pour évaluer l’envergure du cataclysme.
_ Je crois qu’on ne peut plus en douter dit Jacquet,
directeur de la sardinerie. Jacques Vaillant se leva, prit ses couleurs et sur
le mur blanchi à la chaux de la petite salle à manger dessina un soldat
d’infanterie croisant la baïonnette. Au-dessous, il écrivit la date et chacun
de nous vint signer en indiquant le numéro du régiment qu’il allait rejoindre.
Le lendemain, la pluie qui n’avait cessé de tomber avec une
perversité sournoise pendant 7 ou 8 jours, prit de l’assurance si j’ose dire et
se répandit drue et puissante, courbant les arbres, éparpillant les fleurs,
s’acharnant sur la nature végétale, à l’image de l’artillerie s’acharnant sur
l’humanité.
La pluie redoublait de violence et la voiture cahotait avec un bruit de ferrailles compliquées.
_ On entend, on entend comme une clameur dit une femme
_ Nom de Dieu, arrête dit Vaillant au breton.
Le cheval s’arrêta court et alors nous entendions les
cloches, toutes les cloches…il y en avait de grêles, d’argentines, de fêlées,
mais toutes sonnaient le tocsin à pleine volées.
Ma femme se renversa sur moi et se mit à pleurer.
Au loin, au bord de la lande, deux vieilles femmes se
signèrent en nous apercevant.
_ La guerre est déclarée, dis-je.
_ La guerre est déclarée, dis-je.
Le breton fouetta son cheval, la voiture bondit sur les
cailloux et nous ne tardâmes pas à pénétrer dans la grande rue de Moëlan.
Le village paraissait en fête. A la porte de la mairie le
drapeau tricolore avait été amené.
Les hommes se pressaient pour prendre conseil, les terriens
avec leurs habits des dimanches, portant le chapeau enrubanné de velours et
bouclé d’argent, et les inscrits, déjà revêtu de leur uniforme de matelots, le
sac de toile blanche jeté sur l’épaule.
Une section d’infanterie en tenue de campagne, débarquait des caisses en forme de cercueils, des caisses de fusils. Les soldats avaient le manchon bleu sur le képi. Ils parlaient peu. Personne ne parlait d’ailleurs.
Une section d’infanterie en tenue de campagne, débarquait des caisses en forme de cercueils, des caisses de fusils. Les soldats avaient le manchon bleu sur le képi. Ils parlaient peu. Personne ne parlait d’ailleurs.
La tragédie (sens littéral et littéraire)
1- Une plaque rappelle ici le
procès matrimonial fait à Jeanne d’Arc.
Jeanne, fait partie des figures tragiques évoquées dans le monde des lettres,
lors de la Première Guerre mondiale. Au fil des années de guerre, elle
deviendra, après Thérèse de Lisieux, seconde « patronne » des
Poilus.
Charles Péguy, lorrain de cœur, (il n’a jamais pardonné l’outrage fait à
la France concernant les provinces perdues)
utilise de façon poétique le courage et la révolte de Jeanne dans le drame "Jeanne d’Arc"
qu’il écrit en 1897. On peut lire à travers le destin de Jeanne celui de son
auteur. Il meurt héroïquement au « feu » le 5 septembre 1914.
Dans la première partie de cet ouvrage, Jeanne, avant de partir
combattre, évoque avec admiration la ville de Toul et certains de ses habitants
qui portent le nom de Chénin…( nom véritable de Emile Moselly , son ami ;
Prix Goncourt 1907 dont les grands parents sont originaires
de Chaudeney-sur-Moselle).
Le thème de la guerre en littérature (épopées, tragédies, romans) est
permanent.
Les guerres ont cette particularité de survenir toujours de façon
absurde, inattendue.
Dans la mythologie grecque, l’enlèvement d’Hélène, femme du roi de
Sparte, ne fut- il pas à l’origine de la guerre de Troie?
Les assassinats de Jean Jaurès puis de l’héritier du trône de l’empire
d’Autriche-Hongrie et de son épouse (dans des circonstances tout à fait
romanesques) ouvrent le premier acte du drame. Se met alors en marche "la
machine infernale".
Jean Giraudoux, blessé en 1914, publie dès 1935 « La guerre de
Troie n’aura pas lieu » conscient du danger potentiel d’une seconde guerre
mondiale ! Les écrivains n’ont que leur plume pour mettre en garde et
combattre. Giraudoux fait dire à Hécube, reine de Troie : « dès
que la guerre est déclarée, impossible de tenir les poètes… »
La première guerre mondiale fut et est
encore, et surtout aujourd’hui, source d’inspiration pour les écrivains.
On a beaucoup écrit pendant la guerre, sur la guerre et après la guerre.
2- La représentation du corps du
Christ en croix (façade ouest de la cathédrale) sera dans l’imaginaire
collectif relayée dans la littérature et dans l’art en général, par « le
corps souffrant » du soldat de la guerre de 1914-1918.
Ainsi l’évocation du poète Blaise Cendrars est-elle inséparable de
son bras coupé, Guillaume Apollinaire de sa tête bandée, ce
dernier immortalisé par Picasso…
Et surtout, nous viennent à l’esprit les tragiques images de milliers de
« gueules cassées ». Lors du traité de Versailles le 28 juin 1919,
Georges Clemenceau conviera 5 représentants de ces blessés de la face, témoins
de l’horreur des combats.
Le « corps souffrant » donnera lieu à de multiples descriptions
et interprétations en art et littérature…
Jardin de l'Hôtel de Ville.
La statue est l'oeuvre d'Etienne Hippolyte Maindron (1801-1884). Sculptée en marbre de Carrare, elle date de 1874. Maindron est un élève du sculpteur David D’Angers. Elle est figurée en guerrière (épée) et elle croit en l’avenir (l’ancre représente l’espérance). Elle a un regard déterminé.
L’année 1874 correspond au début de la construction des
forts autour de Toul. L’espoir de reconquérir les provinces annexées perdure
jusqu’en 1914. Cet espoir est largement présent dans l’œuvre de Maurice Barrès.
Pourquoi nommer cette statue
« la France résignée » ?
1915 : Février-mars :
a lieu l’offensive de Champagne. 100 000 morts sans grand résultat
Avril : bataille d’Ypres. Le quart des
effectifs alliés est tué
Mai-juin : offensive en Artois.
Plus de 100 000 soldats français tombent
Septembre-octobre : nouvelle offensive
française en Champagne. 150000 morts
En Lorraine, les offensives
Françaises ont principalement concerné : Hartmannswillerkopf, Bois-le-Prêtre, le bois d’Ailly
(tranchée de la soif), les Eparges, Vauquois dans le but de s’emparer des
principaux points hauts. De gros effectifs sont engagés, les pertes sont considérables
et les résultats à peu près insignifiants.
Réflexions à propos d’une statue dans le jardin de l’Hôtel de Ville.
Cette allégorie de la femme est perçue différemment par les
soldats ! Elle suscite ou Espérance ou Résignation. Même la légende de la
carte postale qui la représente fluctue selon les années et les éditeurs.
Lettres et cartes postales sont des genres littéraires qui ont
atteint lors de cette guerre leur apogée en qualité et quantité.
Ce sont de précieux documents concernant le moral des soldats qui
transitent vers Toul, mais aussi, concernant le rôle de la religion, école et
famille qui structurent une société encore très largement rurale.
Des cartes postales et lettres célèbres nous sont parvenues,
notamment celles de l’auteur du "Grand
Meaulnes" dit Alain-Fournier (qui rata de peu le Goncourt en 1913),
mort au front le 22 septembre 1914, 17 jours après son ami Charles Péguy .
« J’ai grande confiance en l’issue de la guerre, priez Dieu pour
moi et ayez confiance (…) Heureux les épis mûrs, comme le dit Péguy …». Lettre
à sa sœur le 28 août 1914.
Caserne de siège du bastion 45
Cette caserne a été édifiée
entre 1842 (partie gauche) et 1875-1877 (partie droite). En 1914, elle sert à la
manutention (fours à pain au rez-de-chaussée). L’extrait, que l’auteur situe
dans les casernes du 146 RI (reformé en 1887, cantonné à Toul depuis 1900) au
plateau Saint-Georges, évoque la vie de caserne à Toul mais la scène se reproduisit partout.
Tollab François-Xavier (Ballot), "Jusqu'à l'infini", 1931
Né à Vincey en 1886. Décède à Nancy en 1954.
Dans son ouvrage « Jusqu’à l’infini », il relate un
mois et de demi de mobilisation et de campagne en Lorraine, jusqu’à sa réforme fin novembre pour "état pulmonaire et état général faible".
Juin 1914. La caserne du 146ème RI, plateau
Saint-Georges à Toul, s’anime d’un brouhaha inaccoutumé. Des figures curieuses
et amusées se pressent aux fenêtres des bâtiments. Les fourriers courent ça et
là, jetant leurs derniers ordres pour l’aménagement des chambrées
nouvelles ; ceux de l’active se sont tassés pour laisser place libre aux
arrivants. Voici les réservistes !
Le colonel apparaît. D’un coup d’œil, il parcourt cette masse d’hommes qu’il aura un jour peut –être l’honneur de mener au combat et à la victoire. Une flamme d’orgueil passe dans ses prunelles. Allons, les Allemands n’auront qu’à bien se tenir s’il leur prenait jamais fantaisie de se frotter à de pareils lapins. Son regard salue ensuite le drapeau ; celui-ci entouré par se garde d’honneur frissonne au vent. Il semble évoquer, pour tous ces braves gens rangés sous ses plis, dans les ors fanés de victoires inscrits sur ses trois couleurs, le sacrifice de ceux qui l’ont voulu plus glorieux et annoncer les holocaustes à venir.
L’aspect actuel de
la porte date des années 1883-1884.
La prostitution pendant
la guerre.
Aux abords immédiats de
la porte, se déroulait à l’abri des regards une prostitution clandestine. L’hypothèse
d’une guerre courte fait que la question de la sexualité des soldats ne se pose
pas en août 1914, ni pour les autorités militaires, ni pour les mobilisés. A
Toul, comme ailleurs, les trois maisons de tolérance des 12, 18 et 20 rue
Monnaie sont fermées et les « femmes de mauvaise vie » exerçant hors
maisons sont expulsées du camp retranché et ce pour plusieurs raisons. Elles
menacent d’abord de détourner les soldats de leurs devoirs patriotiques.
Ensuite, le risque de contamination syphilitique et d’autres maladies
vénériennes est bien réel. Enfin, le risque d’espionnage est clairement redouté
par les autorités militaires. Cette interdiction a pour effet de favoriser la
prostitution clandestine et occasionnelle, d’autant plus que la conscience d’une
guerre longue s’est désormais installée. La rareté des permissions crée une véritable
misère sentimentale et sexuelle chez les soldats. Or, la situation économique
des femmes dont l’époux est au front est souvent difficile. La prostitution
clandestine concerne principalement les serveuses des débits de boissons, les blanchisseuses, les
couturières. Le commissaire spécial de Toul constate qu’un grand nombre de
femmes de Pierre-la-Treiche pratiquent la prostitution clandestine. Les zones
privilégiées étaient les terrains avoisinant les casernes. Les maisons de
tolérance sont rouvertes le 27 avril 1916 par 1’arrêté du Général Commandant
d’armes de la place de Toul. Les maisons alimentées par un recrutement parisien
renforce la peur de l’espionnage au contraire de la fille locale.
Caserne Gouvion Saint-Cyr
A partir de 1755 cette caserne abrite un régiment de cavalerie. Les vestiges subsistants datent de la fin du XIXe. La caserne fut désaffectée en 1927.
Tollab François-Xavier (Ballot), "Jusqu'à l'infini", 1931
En somme, nous représentions des troupes de couverture bien entraînées, bien disciplinées, dotées de cadres solides et dont l’instruction militaire avait été poussée à fond ; aussi nos chefs fondaient-ils sur nous les plus grands espoirs pour l’avenir. Cependant rien encore dans nos esprits pacifiques ne laissait présager l’horrible tragédie qui devait bientôt ensanglanter la France et le monde.
Le premier échelon du régiment, en tenue de campagne et
équipé à neuf, était déjà parti vers la frontière. Quelques sergents-majors et
fourriers restaient pour l’habillement et l’équipement des nouveaux arrivants.
Mais quel désordre régnait ! Les collections de guerre avaient été mises
au pillage et chacun devait se débrouiller pour trouver des vêtements à sa
mesure. Les magasiniers couraient affolés, le chef armurier distribuait les
armes au petit bonheur. Un homme coiffé
d’un képi trop grand qui lui cachait les oreilles, s’évertuait à enfiler
une capote dont les manches lui venaient au coude. Un autre, grand et fort,
essayait vainement de chausser un soulier tout juste bon pour un
adolescent. ; le troisième arborait un pantalon qui ressemblait à un
caleçon de bains, tandis que sa tunique lui descendait aux genoux. Bref,
c’était la « pagaïe » dans toute sa beauté.
Place de la République
Musique et chanson en lien avec la guerre
A Toul, l’écrivain et poète Pierre Mac Orlan immortalisera son régiment
en créant quelques chansons que « Youtube » permet de nous
faire entendre ce jour en direct !
La chanson prétend soutenir le moral des troupes et participer à
l’effort de guerre.
Depuis la défaite de 1870 ; la chanson revancharde est
officiellement enseignée et chantée dans toutes les écoles de France.
Le kiosque à musique, aujourd’hui disparu, était le lieu des fanfares
civiles et militaires.
L’ancien Café offre au regard de magnifiques bustes d’atlantes et
cariatides. Se côtoient : guerre (Mars), commerce (Mercure) musique et
théâtre (Euterpe et Thalie).
On a chanté dans cet
établissement "La Madelon", qu’un certain Bach (de son vrai nom Charles
Joseph Pasquier), mit au répertoire de la chanson militaire. Elle fera le tour
du monde !
Non loin de Toul, des artistes reconnus, entre deux séjours dans la
fournaise de Verdun, animeront des messes à deux pas du front. André Caplet,
familier des Eparges, composera "La Marche Héroïque de la 5eme division ou
Marche de Douaumont". Il aura à ses côtés le violoncelliste Maurice Maréchal
et le violoniste Lucien Durosoir.
Le comique troupier subsistera durant toute la durée de la guerre et ce,
malgré l’horreur. L’armée fera appel à des artistes pour distraire les
soldats dans le cadre du théâtre aux armées. A Toul, des représentations
théâtrales se succèdent et les cafés sont bien animés.
Parallèlement, la chanson subversive (clandestine !) fera son
apparition et accompagnera les premières mutineries. (La chanson de Craonne ou
de Lorette, plus tard, La Butte rouge…)
L’Eglise participe également par la liturgie paroissiale au soutien de
la nation.
A Toul, le Cantique du Chanoine Saurin est scandé lors de processions
mémorables…(Hymne patriotique au Sacré-Cœur)
Extraits musicaux (cliquez sur le lien pour écouter les morceaux)
La butte rouge
Parole : Georges Montéhus
Musique : Georges Krier
Musique : Georges Krier
http://www.youtube.com/watch?v=CKhlqxLu8RU
La Madelon
Livret. Coll.part. |
Livret calligraphié. Coll. part. |
Parole : L. Bousquet
Musique : Camille Robert
http://www.youtube.com/watch?v=lm4tViuVoJM
La chanson de Craonne
http://www.youtube.com/watch?v=4NtvgutpKT8
La marche de Douaumont
Musique : André Caplet
http://www.youtube.com/watch?v=vqC0jaFXdoQ
Ecole Jules Ferry
L’école Jules Ferry est
érigée à l’emplacement d’une ancienne halle aux blés (1823-1828), elle-même
construite à l’emplacement de l’église paroissiale Saint-Amand. Les travaux sont
réalisés par l’architecte toulois Charles Bailly qui fut architecte de la
ville. La ville est évacuée entre le 31
juillet 1914 et mars 1915. Les écoles sont alors transformées en hôpitaux
militaires. Des restrictions et rationnements arrivent rapidement. Des cartes d’alimentation
sont créées mais nul ne souffre réellement de la faim. La situation sera tout autre
pendant la seconde Guerre Mondiale.
Une touloise dans la Grande Guerre. Louise Colnat (Etudes Touloises)
En 1915, les blessés furent dirigés sur les casernes de la
Justice transformées en hôpitaux et portant sur le toit une croix rouge se
dégageant d’un grand carré blanc. Les écoles furent rendues aux enfants et la
ville ayant été « ouverte », les habitants revinrent, les magasins
rouvrirent. Nous ne fûmes jamais rationnés comme sous l’occupation allemande de
1940.
Le bronze devait être rare car la Chambre de Commerce de
Nancy lança des pièces d’un carton brun clair : un sou, prix du
journal ; deux sous, un timbre-poste (20 sous = 1 franc). Et je passai mon
certificat d’études à l’école Jules Ferry.
Culture et
patriotisme
A l’école Jules Ferry à Toul, on dispense, comme dans toutes les écoles
de France, une fervente culture patriote ! « Les hussards noirs
de la République », selon la formule de Péguy, entendaient former des
citoyens. Paul Bert écrit dans un livret destiné aux jeunes filles « C’est en
connaissant sa Patrie qu’on apprend à bien l’aimer(… ) Vos frères devront aller
se battre pour défendre ses frontières ou son honneur »
Les maîtres utilisent de façon ostentatoire les cartes de France
amputées de l’Alsace et une partie de la Lorraine.
Et dans le même temps, Paul Victor de la Blache met pour la première fois la géographie « au service de la nation » à l’Université de Nancy.
Ernest Lavisse de l’Académie française est le pédagogue reconnu et
incontournable. Son célèbre manuel d’ « Histoire de France », construit un grand récit national peuplé de
glorieux héros à portée de chaque écolier.
Augustine Fouillée, publie dès 1877 (sous le nom énigmatique du philosophe brûlé par l’Inquisition : G Bruno), un livre d’apprentissage de lecture du cours moyen au succès colossal : "Le Tour de France par deux enfants". Elle entend préparer, par cet ouvrage, la jeunesse à reconquérir les territoires perdus !
Les provinces perdues. Carte extraite du Tour de France de deux enfants. |
Carte de France distribuée aux écoliers
pour célébrer le retour des provinces perdues au début des années 1920.
Coll.part.
Le Colonel Driant, ami de Lyautey et Déroulède (demanda à reprendre du service en 1914 et mourut à Verdun en 1916) a fait rêver petits et grands à travers ses romans d’aventure et d’héroïsme.
Victor Prouvé crée des affiches militantes mises à disposition dans les
écoles.
Les enfants sont encouragés à adopter individuellement ou en groupe, l'un soldat du front.
Même les enfants participent à l’effort de guerre par le sacrifice et
l’effort individuel...
Monument aux Morts
Le monument est érigé en 1923
en exécution d’un décret du 15 mars 1922. Les pierres des carrières d’Euville
et de Mécrin ont été utilisées. Ce monument est dessiné par H. Antoine
architecte de 1921 à 1936 et chef d’agence de Paul Charbonnier.
Emile Bachelet (1892-1981)
en est le sculpteur. Ce dernier a notamment travaillé aux bas reliefs des Magasins Réunis
de Nancy et à de nombreux monuments aux morts en Meurthe-et-Moselle et dans les
Vosges.
Deux allégories féminines de la
Victoire sont figurées : l’une est plutôt représentée
« Recueillie » tandis que l’autre est davantage « Glorieuse ». Le monument de la Grande Guerre est le contrepoint victorieux du monument de 1870, placé au centre. Il porte les noms de 346 victimes nées ou résidantes touloises (la population était de 10 564 habitants en 1911). La ville est citée à l’ordre de l’armée par le ministre de la guerre André Maginot en raisons des bombardements aériens (21 victimes civiles), notamment le 4 juin 1916. le front est en effet à quelques minutes de vol seulement.
« Recueillie » tandis que l’autre est davantage « Glorieuse ». Le monument de la Grande Guerre est le contrepoint victorieux du monument de 1870, placé au centre. Il porte les noms de 346 victimes nées ou résidantes touloises (la population était de 10 564 habitants en 1911). La ville est citée à l’ordre de l’armée par le ministre de la guerre André Maginot en raisons des bombardements aériens (21 victimes civiles), notamment le 4 juin 1916. le front est en effet à quelques minutes de vol seulement.
Inauguré 23 septembre 23 en
présence président du Conseil Raymond Poincaré, du député de Paris Maurice
Barrès (tous deux membres de l’Académie française), du Général de Castelnau (le
vainqueur du Grand couronné), de Louis Marin (1er vice président de
la Chambre des députés) et d’Albert Lebrun (représentant la France à la Société Des Nations). Raymond
Poincaré remet la croix de guerre à la ville.
5 octobre
1914
Madame,
C’est
seulement aujourd’hui que je puis prendre sur moi de vous écrire. L’affreuse
nouvelle m’a anéanti quand elle m’est arrivée au fond du Poitou. Et ma femme
quand je lui en ai fait part est tombée en larmes.
Comment vous
dire la part que je prends à votre douleur ?
Vous savez
l’affection profonde que j’avais pour votre fils. Il a vécu et il est mort en
héros. Une seule chose pour alléger votre immense douleur est de savoir qu’il
laissera dans les mémoires de tous un sillon de gloire et de lumière.
Nous avons
perdu en lui notre chef et notre drapeau. Il était le maître incontesté du
petit groupe des Cahiers qui se serrait autour de lui. Et après quelques
années, nous avions la joie de le voir grandir, de saluer en lui un des maîtres
de la pensée française, un des guides de la génération qui se lève.
Chère Mme
Péguy, il me semble que je suis auprès de vous, que je pleure tout bas à vos
côtés. Je me rappelle cette petite chaise que vous m’avez montrée où vous lui
avez appris à lire tout en travaillant et lisant vous-même par-dessus son
épaule.
Il vous
reste du moins des petits enfants. Il faudra les élever dans la religion du
sublime souvenir de leur père.
Soyez
tranquille, nous ses amis, ses frères de lutte et ses disciples, nous
dresserons de lui une image si glorieuse que es yeux de l’avenir resteront
fixés sur lui éternellement.
Il faudra
venir nous voir. Ma femme qui se joint à moi vous demande d’être forte comme
vous l’avez été toujours.
Quelle dure
chose que la vie. Votre présence nous était douce quand nous avons perdu notre
petite fille. Faut-il que je ne puisse pas être à vos côtés pour vous serrer la
main en ce moment.
Je vous embrasse.
Je vous embrasse.
L’éloge funèbre, un autre genre littéraire
Emile Moselly, alors professeur au lycée de Neuilly, apprend par hasard
la mort de Charles Péguy ; et
envoie une lettre de condoléances à sa
mère, qu’il connaît bien.
Cette lecture montre les liens fraternels tissés entre Péguy, le
créateur des Cahiers de la Quinzaine et Emile Moselly, écrivain cher aux Toulois !
Gare
A Pierre
Falké.
Le train qui
nous emmène vers Toul démarre lentement, au milieu des cris, des hurlements,
des vociférations et acclamations de toutes qualités. Il rebondit, ce long
convoi, sur les plaques tournantes, le long des fortifications dont le talus
vert grouille de tout un peuple frénétique.
De loin, sur
ce tableau largement brossé, le détail échappe à la vue. On ne voit pas les
larmes ; les petits mouchoirs pavoisent cette masse sombre ; le vertige
commence : La
guerre ? Ce
qu'on a été autrefois. Il y a chez tous un curieux déplacement de toutes les
facultés.
Les histoires les plus invraisemblables trouvent crédit chez des hommes
surexcités, en temps normal raisonnables, et qui savent très bien que cela ne
peut pas
exister.
Cependant ils écoutent, écoutent intensément..., ils approuvent, tout sens
critique aboli.
La majeure
partie de mes camarades a cherché dans le vin la solution de quelque problème obscur. Les
plus fortunés réussissent en ce sens qu'ils savent au moins où ils vont
puisqu'ils ne cessent de crier « à Berlin ».
D'autres
plus réfléchis estiment que c'est aller un peu vite en besogne.
On se
regarde, on fait connaissance.
— Quel
régiment?
— Ah ben,
j'ai fait mes vingt-huit jours avec toi, tu ne te rappelles pas? Sifflet,
Sifflet
de la 7 ème à
Nancy. »
— Vivement
Nansbrock, réclame un quidam. La division de fer est toujours un peu là !
Nous
voyageons dans des wagons à bestiaux dont les portes sont largement ouvertes.
La campagne
défile. Je suis gêné d'être en civil. Ici dans ce cadre, les habits civils sont
misérables
et déplacés, comme ces meubles de valeur qui, déballés sur le trottoir, un jour de
déménagement, offrent malgré leur luxe, cet air lamentable des défroques de la
brocante.
Partout, sur
tous les ponts, le long de toutes les barrières, de chaque côté des gares, des
gens nous applaudissent ; des jeunes filles agitent des mouchoirs, des
drapeaux.
Le grand
convoi pris de frénésie hurle son enthousiasme, l'obscénité est permise et les
jeunes
filles n'en rougissent pas comme au temps de paix. On sent que tout est
pardonné à ces
hommes, dont aucun, à ce moment, ne pense à la mort, à la guerre, à la réalité
de la guerre avec
son artillerie et l'étonnante précision de la balistique moderne. Chez
quelques-uns de mes voisins l'absorption de trop nombreux litres de vin
attrapés au vol commence à se faire sentir; l'un d'eux
gémit une chanson, deux vers d'une chanson qu'il chantera jusqu'à Toul, tous les
quarts d'heure, sur un air lamentable avec la régularité mauvaise de la douleur
dans une dent cariée.
[...]
Voici Toul,
on aperçoit les casernes de la Justice, la cathédrale, les remparts.... La
ville est évacuée. Le train s'arrête: silencieusement les hommes débarquent et
par bandes se dirigent vers les forts où sont installés les dépôts de leurs régiments.
La gare en littérature est un lieu hautement
romanesque des rencontres, départs et arrivées.
Le peintre américain Albert Herter a choisi d’offrir (pour la Gare de
l’Est à Paris) le tableau "Le Départ des Poilus" en
souvenir de son fils mort en 1918 dans l’Aisne.
Cette caserne a été construite
en 1788. En 1844, elle est reconvertie en caserne d’infanterie.
Pr. Pierre Labrude, "Le compte rendu d'activité du Dr. Paul Vernier, chef du service d'ophtalmologie militaire de l'hôpital Saint-Charles de Toul, au cours de la première guerre mondiale", Etudes Touloises, 1997
En 1915, alors que le seul service d’ophtalmologie disponible
dans la région est à Toul (Nancy est saturé), l’augmentation des entrées, de
février à avril, est contemporaine des combats de Bois-le-Prêtre (la bataille
dure d’octobre 1914 à août 1915), et du bois de Mort-Mare entre Flirey et
Essey-et-Maizerais. Le maximum d’entrées en avril correspond aux épreuves de la
73ème division qui perdit, selon Vernier, 15000 hommes en un mois.
La suite de l’année est marquée par une activité moindre due à un espacement
des combats du front lorrain.
1916 est l’année de Verdun (la bataille débute le 21 février) et les hôpitaux de Bar-le-Duc, ville située au débouché de la voie sacrée, ne suffisent plus à l’accueil des blessés, ce qui entraîne des évacuations vers Toul. A partir de juin, un service d’ophtalmologie dépendant de la 1ère armée s’installe à la caserne Thouvenot.
Cathédrale. Plaques des victimes de la paroisse
Charles Péguy, "Eve", 1913
« Heureux ceux qui sont morts pour la terre charnelle,
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.
Mais pourvu que ce fût dans une juste guerre.
Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.
Heureux ceux qui sont morts d'une mort solennelle.
Heureux ceux qui sont morts dans les grandes
batailles.
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu
Parmi tout l'appareil des grandes funérailles.
Couchés dessus le sol à la face de Dieu.
Heureux ceux qui sont morts sur un dernier haut lieu
Parmi tout l'appareil des grandes funérailles.
(…)
Heureux ceux qui sont morts car ils sont retournés
Dans la première argile et la première terre.
Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »
Dans la première argile et la première terre.
Heureux ceux qui sont morts dans une juste guerre
Heureux les épis mûrs et les blés moissonnés. »
Le lyrisme de Charles Péguy
Piéta associée à la plaque
commémorative des « morts pour la France »
La scène où Marie reçoit le corps du Christ détaché de la croix fut
source d’inspiration pour tous les artistes. Et de recueillement pour les
soldats.
Charles Péguy qui semblait pressentir déjà les combats et les multiples
croix fait de cette scène une description prophétique dans son ultime poème: "Eve"
Marie est Eve et Mère « Et moi je vous salue ô première
mortelle….De vos fils descendus dans cette citadelle….Vous en avez tant mis le
long des nécropoles….De ces fils qui venaient le long des métropoles Et
marchaient et tombaient et qui mouraient pour vous… »
Les vers les plus célèbres de "Eve" « Heureux ceux qui sont morts
pour la terre charnelle…mais pourvu que ce fût
dans une juste guerre...» rivalisent de lyrisme avec Victor Hugo, qui célébrait dans son hymne
chanté dans les écoles « Ceux qui pieusement sont morts pour la
Patrie »…Cathédrale. Notre-Dame au pied d'argent
Le 24 novembre 1914 à 11
heures, une messe d’action de grâce et un Te Deum célèbrent la victoire des
armées françaises et alliées. L’évêque Monseigneur Ruch qui a succédé à
monseigneur Turinaz, décédé le 19 octobre, préside l’office et prend la parole.
Conclusion
Tous en ont dénoncé les horreurs, l’absolue absurdité et inutilité.
La guerre de 1914-1918 reste de nos jours un thème littéraire
particulièrement important. Véritable cataclysme planétaire, elle hante encore
les consciences.
Des témoins français, anglais, allemands...ont écrit pendant et après la
guerre, des enfants de rescapés (Albert Camus), des petits enfants.
De nombreux écrivains
contemporains s’emparent avec passion et compassion de celle que l’on
appelle La Grande Guerre.
Un millier de poètes seraient tombés au front !
Tous en ont dénoncé les horreurs, l’absolue absurdité et inutilité.